Friday, June 20, 2008

BARAK L’AMERICAIN


Le monde assiste, dans une sorte d’hébétude euphorique, à l’émergence d’un acteur international plus grand que nature: Barak Obama. La stature de ce fils d’un Kenyan-encore inconnu il y a seulement quatre ans- transcende les races, les cultures, les idéologies, autant politique que religieuse, pour s’inscrire dans quelque chose de plus large, le protocole des grands destin!
EMERY G. UHINDU-GINGALA

Il faudrait remonter, dans ce siècle, jusqu’à Nelson Mandela- et le défunt pape Jean-Paul II -pour revivre une telle cristallisation de la passion autour d’un individu; et dans un registre un tantinet moins flamboyant, une coche en dessous, il y a eu Mikhaïl Gorbatchev, Mère Térésa de Calcutta et Lech Valesa de Solidarnosc.
Michael Jackson mis à part…
Or donc le fait que les deux icones vivantes, Mandela et Obama, soient tous deux des Noirs d’Afrique est une coïncidence de l’histoire que ne manqueront cependant pas de relier les politologues et historiens ; oracles de l’a posteriori…
Mais- et ceci mérite d’être souligné – l’obamania, cantique cher aux médias du monde entier, réfère d’abord, et avant tout, à l’American Dream. La fulgurante ascension d’Obama, contrairement à Mandela, prend son envol, tout en s’enracinant, aux Etats-Unis. Et si l’homme lui-même n’a de cesse de rappeler ses origines, comme une manière de reconnaissance envers un pays qui est pourtant le sien, c’est pour mieux confesser le changement des mentalités « d’un formidable pays », ainsi que le reconnait un Georges W. Bush faussement guilleret.

S’il est élu- et même s’il ne l’est pas- président du plus puissant pays du monde, Barak Obama aura formidablement marqué l’Histoire. Et les esprits. Partout, mais aux Etats-Unis d’abord. Parce que les multiples facettes de l’identité du candidat démocrate- «…Ma famille est disséminée sur trois continents », fait-il observer- campent Noirs et Blancs, les concernés, dans leur acceptation raciale. Parfois raciste : Obama est un mulâtre, métis issu d’un Noir et d’une Blanche. Loin de marquer un naturel trait d’union entre les deux communautés, cette caractéristique indispose certains, en enchante d’autres, elle est partout et toujours présente même si certains bien-pensants affectent gauchement de l’ignorer. Elle est demeure en surimpression sur tout ce que dit, fait, et est Barak Obama. En tous les cas, l’identité du sénateur de l’Illinois ne lui rend guère justice. La couleur de sa peau parle pour lui. C’est cela qui fait l’événement, occultant le charisme, l’intelligence, l’originalité de l’homme. Et pour cause : par une étrange anthropologie un mulâtre est un Noir ! Non pas pour moitié Blanc et Noir. Le fait est entendu autant chez les Noirs que pour les Blancs. La logique est à ce point poussée dans ses derniers retranchements que même le rejeton d’un Noir et d’une Asiatique- Tiger Woods en est le plus illustre cas- est Noir !

Démocrate et conservateur
Qu’à cela ne tienne, Barak Obama est avant tout un américain. Une fois devenu président, il le sera pour les Américains d’abord. Et seulement. Sur le plan international il ne dérogera en rien sur la politique traditionnelle des Etats-Unis. Ses prises de position, on peut déjà le constater, respectent scrupuleusement le modus operandi des administrations américaines respectives- l’interventionnisme ou l’immobilisme- selon qu’elles sont républicaine ou démocrate. Son intention de redéployer les troupes américaines d’Irak en dix-huit mois (même si l’on ne voit comment une telle entreprise serait matériellement possible en un temps si record) répond au souci de ne s’occuper que des intérêts strictement américains. Et l’Irak n’en est manifestement pas.
Il en ainsi pour tous les grands dossiers de politique internationale : l’Iran, la Corée du nord et leur velléité nucléaire, le conflit israélo-palestinien etc. A Israël- auquel tous les leaders politiques américains réitèrent leur indéfectible loyauté- le sénateur Obama venait d’accorder sans ambages Jérusalem comme capitale. Mais indivisible. Et ce, en un positionnement allant obstinément contre la volonté de la communauté internationale, par résolution de l’Onu interposée. A ce jour, seuls le Salvador et le Costa Rica reconnaissent Jérusalem comme la capitale de l’Etat hébreu. La sortie du sénateur Obama, si elle se confirmait dans les faits, ferait l’impasse sur l’établissement de la future capitale palestinienne- Al-Qods -dans la partie orientale de la ville. Exit le projet, appelé des vœux du monde entier, de l’érection d’un état palestinien !
Ce volontarisme, pour le moins curieux et…dangereux pour la paix mondiale, fut manifesté au lendemain de la victoire du sénateur de l’Illinois sur sa rivale à l’investiture démocrate, Hillary Clinton, au demeurant présente à la conférence. Barak Obama s’adressait ainsi devant un panel du lobby juif américain. Il est à souhaiter que ce quasi dérapage reste inscrit au chapitre du zèle électoraliste. Car le candidat noir- dont le père était musulman- se sent constamment obligé d’en faire plus. Pour finir par en faire trop. Tant Obama demeure sur la défensive au chapitre de la religion : que le futur président des Etats-Unis soit un Noir est une chose. Une autre en est qu’il fut adepte de l’Islam…

Un autre alignement au traditionnel repli des démocrates américains : Le candidat démocrate a dores et déjà annoncé son intention de renégocier l’Alena (Accords de libre échange nord-américain), jugé trop favorable aux partenaires canadiens et mexicains.
Et hormis son adhésion, quelque peu forcée, au plan de couverture médicale nationale cher au sénateur Clinton, aucune surprise notable sur les grandes questions sociales internes. La peine de mort, le mariage homosexuel, d’accord pour l’une et pas pour l’autre, l’environnement etc.
Le "Change We Can Believe", slogan destiné aux seuls Américains, toutes races confondues, ne concerne finalement que la gestion des affaires courantes. Les Afro-Américains auraient tort d’y voir enfin un changement de politique à leur égard. A moins que Michelle Obama, une fois installée conséquemment à la droite du président, ne sache inspirer à son époux des programmes sociaux favorables aux Afro-Américains ; ou du moins aux minorités raciales ; y incluant les Premières nations.
La chose ne sera guère aisée d’autant que Obama s’attend, épouvanté, au moment où ses ennemis- et ils sont légion- le taxeront de "président ethnique"
Une autre mauvaise lecture des faits consisterait de voir en Obama un précurseur, un pionnier ouvrant aux Noirs l’accès à la présidence des Etats-Unis. Les circonstances de l’ascension du sénateur de l’Illinois demeurent exceptionnelles- le momentum l’est plus encore ; en rupture radicale avec le cours "logique" du procès politique d’un pays où les démons du racisme demeurent durablement figés dans le temps.

Faut-il le rappeler, la couleur de sa peau n’aura été qu’un mince recours pour le candidat démocrate : aux Etats-Unis une femme blanche- Hillary Clinton- vaut toujours mieux qu’un homme noir. Ou perçu comme tel. Peu d’ailleurs, et ce même parmi les Noirs, avaient cru en lui. Les Afro-Américains, circonspects, souhaitaient "voter utile", persuadés qu’un des leurs ne pouvait l’emporter face à un Blanc. Quel qu’il soit…
Les succès répétés de Barak Obama- lesquels ne sont guère tributaires de la solidarité raciale- ont fini par convaincre les plus réticents. « C’est possible ! » est une conviction qui participe de l’obamania ; et non l’inverse.
S’il emporte le suffrage du peuple américain- les siens !- en novembre prochain, Barak Obama sera un président américain. Pour les Blanc et les Noirs. Contre le reste du monde. Parce qu’il est avant tout un Américain…
Il tempérera ainsi les inquiétudes des uns et l’enthousiasme des autres !

EMERY G. UHINDU-GINGALA

Thursday, June 21, 2007

Sénégal
LES FOURBERIES DE Me WADE

Le "sopi", en wolof, (1) désigne le changement. L’homme était tardivement parvenu au pouvoir en brandissant ce seul slogan. Simplement. Me Abdoulaye Wade promettait alors aux Sénégalais ce qu’ils n’avaient jamais connu depuis l’accession du pays à l’indépendance en 1960 : autre chose!
Après son premier mandat, le président Sénégalais vient d’ériger le changement en statu quo.
L’alternance, c’est, après lui…lui!
Le "sopi", manifestement, ne le concernait pas.
EMERY G. UHINDU-GINGALA


L’homme a changé de côté, aurait pu dire la chanson. Comme pour exprimer le sentiment de tous les Sénégalais désabusés par les manœuvres dilatoires de leur président dans sa volonté de se succéder à lui-même; et de faire reconstituer, à la suite de sa controversée élection, un parlement partisan. Comme par enchantement. L’opposition- le désormais"Front Siggil Sénégal"(2)- s’est refusée à lui accorder le " cadre légitime" à l’imposture, en appelant la population au boycottage des législatives du 03 juin. Appel entendu; et largement suivit. Le…jadis démocrate Wade se satisfait aujourd’hui d’une participation de 27% des votants. Celui dont la déferlante du "sopi" balaya dans tout le pays les assises de l’ancien pouvoir a perdu, chemin faisant, le sens de l’honneur. Celui du vote de confiance. Des gens ont voté. Il aura gagné haut la main son parlement sans opposition : 131 sièges sur les 150 que compte l’assemblée nationale. Rien de moins.
A vaincre sans péril on triomphe sans gloire!


Le cénacle des inamovibles
Il est vrai que la pratique est désormais courante en Afrique. Les chefs d’états ont trouvé un savant subterfuge pour demeurer au pouvoir de manière tout ce qu’il y a de plus démocratique : Un parlement dûment acquit prostitue la Constitution en votant une loi permettant de multiples et illimitées représentations à la candidature présidentielle. La désignation, par le président sortant lui-même, d’une commission électorale ridiculement réputée indépendante assure la victoire. Quitte à la manigancer.
Et Me Wade, malgré son grand âge, a encore à apprendre les ficelles du métier. Celui de manœuvrier politique. Car il ne suffit pas d’être président, encore faut-il savoir la recette pour durer. Le Gabonais Omar Bongo-40 ans de pouvoir- représente, au chapitre des coups tordus, le mentor par excellence; avec Hosny Moubarak d’Égypte. Mais il y a également Paul Biya pour déshonorer le Cameroun, tandis que le Burkina-Faso n’est plus déjà, sous la férule de Blaise Compaoré, ce "pays des hommes intègres" que dit toujours son nom. Il y aurait beaucoup à dire- ou même seulement rien- de "l’idiocratie" tchadienne d’Idriss Déby. Rien ne justifie qu’un tel inculte- à l’instar de Lansana Conté de Guinée Conakry- ne dirige un pays. Sinon que l’opportune manne pétrolière dont il se sert pour noyer les réticences des uns, noyauter les oppositions et nourrir les ambitions des autres.

La loi du plus vieux
Ce sont les procédés de ces parrains à l’orthodoxie douteuse qui inspirent aujourd’hui les actions d’Abdoulaye Wade…le "juriste"! Lui sait pourtant ce que la loi veut dire. Et elle dit expressément que sa lettre doit s’harmoniser avec son esprit. Elle interdit que celui-ci, l’esprit, soit dévoyé, détourné, corrodé au profit d’une démocratie de façade, livré aux fossoyeurs de la moralité politique!
Mais qu’y avait-il donc dans les exigences de l’opposition sénégalaise pour ainsi hérisser le poil de Me Wade; au point d’offenser sa discutable vertu?
La transparence du scrutin; la vérification des listes électorales; un éventuel report des législatives…
Au vrai, rien d’inusité pour la crédibilité des résultats. Toutes choses devant normalement emporter l’adhésion des consciences tranquilles. Rien pour effaroucher.
Le refus obstiné d’Abdoulaye Wade d’agréer les unes et les autres a conduit à la crise politique. Avec le résultat que l’on connait. Entachant durablement sa réputation de légaliste. Mais surtout celle de la démocratie sénégalaise qui ne le méritait pas.
La suspicion a hélas écorché au passage la probité du Malien Amadou Toumani Touré(ATT) contre lequel une opposition opportuniste a tenté-même sans succès- l’amalgame. Mais peut-être que le mal est déjà fait…
Durant son premier mandat Abdoulaye Wade s’est vu décerner de prestigieuses distinctions récompensant ses nombreuses médiations pour la paix en Afrique. Dont le prix Houphouët-Boigny(3) et le Pégase d’or de la Toscane(Italie). En marge de la paix, ces marques de reconnaissance sanctionnent les actions d’une personnalité- sa contribution- au chapitre de la démocratie. Partout. Mais surtout chez lui!
La tenue des dernières élections présidentielle et législative au Sénégal tend à faire mentir ce mérite. Entré en coup de vent dans l’histoire pour avoir défait le Parti socialiste au pouvoir depuis l’indépendance, Wade risque d’en sortir dans la tempête; sinon que dans la tourmente. Exposant au déshonneur sa vieillissante carrière pour bien peu.
En Afrique le plus vieux est dépositaire de la sagesse. Désormais, à cause de Wade, la vieillesse, comme partout ailleurs, évoquera la sénilité, le manque de jugement.
Les fourberies de Me Wade auront fait grand tort à l’Afrique.
Surtout au Sénégal!
EMERY G. UHINDU-GINGALA

(1) Le wolof est principalement parlé en Gambie et au Sénégal où il fait partie des six langues nationales. Le wolof a également le statut de langue nationale en Mauritanie. Utilisé comme langue véhiculaire notamment par les commerçants, c'est un peu l'anglais de l'Afrique de l'Ouest. Si 40% des sénégalais appartiennent à l'ethnie wolof, en revanche 80% des sénégalais sont "wolophones". Le wolof s'est enrichi des apports des autres langues nationales du Sénégal, de l'arabe et du français.
(2)"Relever la tête du Sénégal", en Wolof. Plate-forme de cinq partis d’opposition sénégalaise ayant décidé de boycotter les législatives de 03 juin; dont les principaux sont : le Parti socialiste(PS), au pouvoir de 1960 à 2000, actuellement dirigé par Ousmane Tanor Dieng. L’alliance des forces de progrès(AFP) de Moustapha Niasse et le Parti de l’indépendance et du travail(PIT) d’Amath Dansokho.
(3) Prix Houphouët-Boigny pour la recherche de la paix. En mémoire du premier président de Côte d’Ivoire.

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